Le coach est le garant du cadre, des protocoles, de l’entretien de coaching. Ce rôle permet de laisser place à l’expression de la personne coachée qui chemine vers son objectif, en prenant appui sur son histoire : son sujet, son état, sa sensibilité, ses prises de conscience. Le coach fait de son art l’accompagnement le plus juste au service de l’objectif de la personne coachée que j’appellerai “coaché” par la suite. La rigueur et la sensibilité résonnent pour moi comme le ying et le yang du « Tai Chi » dans la philosophie taoïste en Chine. Deux principes fondamentaux complémentaires qui représentent les deux extrêmes d’un tout et coexistent au service du « Qi » ou « chi », le souffle de vie. L’un ne fonctionne jamais sans l’autre, car chacun contient en lui le germe de l’autre. C’est ainsi que je considère la rigueur et la sensibilité pour la juste place du coach : deux composantes fonctionnant en complémentarité, l’un étant au service de l’autre et vis versa. Les questions qui s’imposent à moi en menant cette réflexion sont : Comment se manifestent la rigueur et la sensibilité en coaching ? Quel équilibre de ces éléments permet au coach d’être à sa juste place ? Qu’est-ce que la sensibilité en coaching ? Daniel Goleman invite à considérer nos émotions, pour développer une nouvelle forme d’intelligence : « Il existe une autre forme d’intelligence, l’intelligence émotionnelle, que l’on peut stimuler et développer dès l’enfance. Refuser d’écouter ses émotions peut entraîner une instabilité générale, alors que maîtrise de soi, motivation, respect d’autrui sont autant de qualités pour réussir ». Aussi, pour moi, en coaching la sensibilité s’attache à la relation avec son émotion propre et l’émotion du coaché et ce qu’en fait le coach au service du cheminement du coaché dans son objectif. Cette sensibilité en coaching implique plusieurs qualités : L’empathie du coach, cette capacité à ressentir et comprendre les émotions du coaché. Un coach emphatique peut se mettre à la place du coaché, percevoir ses sentiments et réagir de manière appropriée, il fera par exemple le choix de laisser agir un silence après une question, d’adresser une prochaine question au coaché, de filer une métaphore ou encore de partager une de ses expériences illustrant le propos de la conversation. L’écoute active : Être sensible en coaching signifie écouter, au-delà de simplement entendre les mots prononcés. Il m’est arrivé que le coaché arrive en coaching avec un objectif qui cache une envie profonde qu’il n’arrive pas à atteindre du fait d’un blocage émotionnel. Aussi l’ écoute active implique de comprendre les émotions sous-jacentes, les préoccupations non dites et les nuances de la communication. La reconnaissance des réussites et les retours : La sensibilité permet au coach de reconnaître et de célébrer les petites victoires et les progrès de la personne coachée, de nourrir le cheminement en offrant des feedbacks en mettant l’accent sur le développement plutôt que sur la critique. Cela renforce la confiance et la motivation du coaché. Le soutien émotionnel en aidant la personne coachée à surmonter les obstacles émotionnels qui pourraient entraver sa progression. Le coach mène l’entretien et chaque interaction qu’il propose s’imprègne de la place de sa sensibilité. La sensibilité en coaching est essentielle pour comprendre, soutenir et guider la personne coachée de manière efficace. Elle contribue à créer un environnement serein et collaboratif où la croissance personnelle peut s’épanouir. Qu’est-ce que la rigueur ? Le Larousse 2005 propose une exactitude, une logique, une précision parfaite » comme définition. L’exactitude en coaching renvoie d’une part à la clarté et l’objectivité : clarté sur les objectifs, spécifiques, mesurables, atteignables, pertinents et limités dans le temps (SMART). Ceci crée une feuille de route solide pour le coaching. Clarté sur les attentes et les résultats attendus. Un coach doit fournir des conseils structurés et des retours d’informations constructifs pour aider le coaché à progresser. L’exactitude renvoie particulièrement, à l’exécution des protocoles dans les règles de l’art et le respect de la déontologie du métier de coach. Elle est l’application stricte des principes du coaching. L’enjeu du coach est de comprendre les règles du métier qui sont imposées pour ne jamais en faire un absolu, de s’entraîner avec patience jusqu’à maîtriser les protocoles, les postures. En coaching, la précision intervient à plusieurs niveaux : lors des formulations faites au sujet du coaching, du fonctionnement de l’accompagnement, aux éléments de cadre et structure de l’entretien, et également le suivi et le déroulé de séance. La planification stratégique : un coach rigoureux permet la création de plans d’action détaillés pour atteindre les objectifs fixés. Ces plans doivent inclure des étapes spécifiques, des échéanciers et des indicateurs de réussite. Cet aspect de précision et de clarification avec la rigueur m’a permis en fin d’une séance d’aller chercher toutes les actions que le coaché pouvait entreprendre : sur une vision claire de son projet professionnel et des étapes pour y arriver, le coaché défini un plan d’action. Je lui demande son niveau de satisfaction en regard de ce plan d’action. Il me répond : « 8/10 ». Je lui adresse la question « Et pour passer à 9 ? » Le coaché prend du recul, il aimerait avoir une idée concrète du domaine dans lequel il souhaite exercer. Ses yeux s’illuminent et spontanément décide d’appeler un spécialiste dont il a le contact et d’aller à des événements dans ce domaine. Finalement, cette question « Et pour passer à 9? » lui permet de compléter son plan d’action et d’en être satisfait. Le suivi systématique : Un coach rigoureux met en place un suivi régulier pour évaluer les progrès de la personne coachée. Cela peut inclure des séances de coaching régulières, des rapports d’avancement et des ajustements si nécessaire. La précision opère en coaching en respectant la trame de séance, un protocole structuré et efficace. Ainsi, la précision permet tout aussi bien au coaché de comprendre les propositions du coach et également au coach de faire expliciter les attentes du coaché. En résumé, la rigueur est tout aussi cruciale que la sensibilité. Elle participe à bâtir pierre après pierre, le socle de relation coach–coaché et aide à atteindre les objectifs du coaché. Prendre en compte les règles, maîtriser les protocoles et les incarner dans l’entretien de coaching et pouvoir s’en détacher pour être en pleine présence au coaché, tel un musicien qui s’approprie sa partition et s’en détache progressivement pour être libre dans l’interprétation qu’il souhaite en faire. Représentation de la juste place du coach sur une échelle de « juste mesure » En m’inspirant de mon parcours d’ingénieure, j’ai voulu positionner la juste place du coach sur un repère géométrique. Aussi, je défini une échelle caractérisée par deux pôles extrêmes opposés : l’infini en excès de manque de la juste mesure de l’élément est le pôle négatif (-∞), l’infini en excès d’abondance de l’élément est le pôle positif de l’échelle (+∞). Le point d’équilibre de la juste mesure dans un axe se situe au centre. C’est l’endroit de la juste présence de l’élément. Ainsi, les pôles sont situés en périphérie par rapport au centre. C’est l’endroit assez éloigné qui fait que je n’obtiens pas de résultat probant. De la périphérie au cœur de la juste place du coach Par exemple, sur l’axe de la sensibilité, en mesurant la contagion à l’émotion du coaché : à la périphérie de la contagion par l’émotion du coaché en étant captivé par son histoire, je peux exprimer de la fusion avec son émotion (excès de contagion) ou alors de l’indifférence à l’émotion exprimée (absence de contagion). Autre exemple, sur l’axe de la rigueur et par le même principe, je peux manifester de la rigidité dans le (re)cadrage (excès de rigueur) ou bien de la mollesse dans le (re)cadrage (absence de rigueur). En périphérie, je suis éloignée du centre de ma juste place du coach. J’entends par le centre, le cœur, l’endroit où le coach prend sa juste place en moi, en tant que coach : c’est le cœur de l’être du coach. Sur l’axe de la présence, au cœur de ma présence, je n’ai plus l’enjeu de ma personnalité ou de mon égo. Je suis dans le non-jugement. J’accueille inconditionnellement ce qui se présente. À cet endroit juste des éléments, j’offre au coaché la possibilité qu’il se connecte lui-même en son centre par les « réponses » que je lui apporte : la question, le silence, l’expression non verbale, le protocole… État de l’art de mes enseignements Il m’est quelques fois plus facile de discerner les propositions en périphérie d’une juste place. J’ai identifié quelques postures ou comportements à désapprendre pour permettre plus d’ampleur et de profondeur au coaching efficace. Les réponses du coaché m’indiquent si le mouvement de la réflexion se poursuit ou non, si je garde le fil de la relation ou pas. En périphérie de la place du coach : qu’est ce qui se désapprend ? Kaper Walter « Aussi audacieux soit-il d’explorer l’inconnu, il l’est plus encore de remettre en question le connu. ». A la référence de cette citation, je m’attache aux entretiens de coaching , aux réactions, réponses emmenées par le coaché pour en tirer des apprentissages de la juste place. En effet, elles m’indiquent comment il chemine, si le fil de la relation est tenu ou non. Lorsque la rigueur déborde et la réceptivité à la sensibilité du coaché est absente, la qualité de lien coach – coaché s’interrompt : nous sommes installés dans l’entretien de coaching, l’accueil et la création du lien ont été établi , le questionnement se poursuit jusqu’à la situation présente du coaché. Le coaché, qui est aussi collègue de promotion de coaching sors de son sujet en faisant un compliment admiratif de l’outil de coaching que j’utilise. Je suis surprise et agacée car je l’attends plutôt sur le cheminement de sa propre réflexion plutôt que sur l’observation de ma pratique de coach. Je recentre la discussion avec un ton plutôt sévère. Il est coupé de son enthousiasme et le climat de l’entretien est refroidit, pourtant je m’ étais attachée à créer une qualité de lien depuis le début de la séance. Avec du recul, une option pour être au cœur de ma juste place de coach aurait été d’accueillir cet enthousiasme et en faire un levier de mouvement plutôt que de se figer sur l’attente d’une réponse particulière à ma question. Aussi, lorsque le coach sensible reconnait ses émotions et celles du coaché, il est capables de gérer ses propres émotions et de reconnaître celles du coaché. Cela contribue à maintenir un environnement de coaching positif et à favoriser une relation de confiance. Lorsque la rigueur manque et qu’il y a une forte contagion à l’émotion du coaché, la présence du coach se perd : Je suis face à une coachée qui a facilité à livrer ses émotions et à s’exprimer verbalement. Je déborde systématiquement mes séances de 10 à 25 minutes avec elle : sur le plan de la rigueur, je la laisse s’étendre sur son histoire sans savoir comment l’interrompre, sur le plan de la sensibilité j’écoute son contenu et j’accroche à l’émotion de fébrilité qu’elle partage. Je suis happée par son discours et je fusionne avec son émotion. Je suis en agitation mentale à chercher mon action suivante : Comment interrompre ? Vers quel protocole ou quelle prochaine question l’emmener ? Une séance longue est productive dans quel cas ? Le coach est partagé par la volonté de bien faire, j’interprète la générosité comme la place laissée au « bavardage » de la coaché et je me perds dans son émotion. Et si je demandais au coaché s’il est d’accord pour aller au-delà de l’heure de fin fixée ? En effet, le coach trouve de l’efficacité dans sa communication, par l’équilibre entre être direct et être sensible. Une communication claire et respectueuse favorise une relation de confiance entre le coach et la personne coachée. Après la séance, la rigueur me renvoie à une attitude exigeant plus de vigilance. Aussi, là où je pensais gêner la réflexion du coaché, je lui donne des repères de temps qui le situent au fil de la séance. Du point de vue émotionnel, garder la distance avec les émotions de mes coachés par des questions rebonds « qu’est-ce que tu comprends de ce qui se passe ? ». De plus, suite au respect du timing des séances suivantes, alors que nous n’y étions jamais parvenus, au moment du bilan de la séance, il me partage qu’il est particulièrement content parce qu’il ne s’est pas senti bloqué dans la réflexion : les séances plus courtes garantissent sa concentration. Etre le maître du temps est une qualité de coach rigoureux. En étant conscient de l’importance du temps, il aide le coaché à gérer efficacement son temps pour atteindre ses objectifs. Cela peut inclure la définition de priorités, la gestion des tâches et la création de routines productives. Au cœur de la place du coach : accueillir l’inattendu dans le coaching « Accueillir l’inattendu (…) c’est recevoir aussi ce que je n’avais pas demandé » (J-F Vézina, 2012) Alignement du comportement para verbal et non verbal : la présence au juste endroit. La relation avec le coaché est nouvelle et il faut la construire. Quelle posture trouver avec lui pour que je sois à ma place et qu’il prenne pleinement la sienne afin de servir efficacement son objectif ? Mon comportement d’ouverture en entretien exprimé par un grand sourire, le corps avancé vers l’avant (j’exerce majoritairement le coaching par téléphone), un ton chaleureux et amical, se transforme. Au cours de l’entretien, je rectifie ma posture, plus alignée vers ma colonne verbale, l’intonation de ma voix moins rieuse. Le coaché n’est pas un ami, un collègue, un parent, ou un client habituel. Le ton sympathique de ma voix garde sa chaleur tout en laissant place à la neutralité. Mon écoute se recentre sur son mécanisme de réflexion, c’est une écoute en arrière-plan du contenu, une écoute du silence qui invite le coaché à se connecter à son centre. Au fil des séances, cette nouvelle présence trouve sa place plus rapidement. Être à la juste place de coach, c’est créer l’espace cadre et accueil pour faire exister le coaché Dans le cadre du coaching, je dois composer avec la réalité que le coaché emmène en séance. L’inconfort parfois d’accueillir ses contraintes doit laisser place à un accueil inconditionnel, une disponibilité pleine envers le coaché. Là où j’interprétais l’instabilité chez lui à revenir vers son objectif de départ, je m’appuie sur l’utilisation du questionnement. Ceci ouvre le dialogue et laisse s’infiltrer des prises de conscience chez lui qui bénéficient de son autonomie et de sa responsabilité pour positionner et cheminer par lui-même. C’est à cet endroit que naît ma place de coach permettant au coaché de trouver également la sienne. Le coaché peut être indisponible au coaching auquel il s’est engagé. La période entre l’idée d’envisager un accompagnement en coaching et passer à l’acte prend plusieurs semaines ou mois, et lorsque le coaché passe à l’acte, l’accompagnement le fait remuer, bouger les lignes et ou remet en question des processus en place chez lui. Tout cela je l’intègre à présent. La juste place du coach se situe quelque part entre la rigueur et la sensibilité, en trouvant un équilibre qui correspond aux besoins et à la personnalité de la personne coachée. La réussite d’un coaching repose sur la capacité du coach à naviguer entre la rigueur nécessaire pour établir des cadres structurés et la sensibilité requise pour comprendre et soutenir émotionnellement la personne coachée. Chaque situation de coaching est unique, donc la flexibilité et l’adaptabilité sont des compétences clés pour trouver la juste place entre rigueur et sensibilité. credit image : Karine Aboudarham soraya ebelle