Les Comités de Direction (CoDir) et Comités Exécutifs (CoMex) sont souvent fantasmés comme les lieux ultimes du pouvoir en entreprise ; ce n’est pas nouveau. L’incertitude et la complexité de notre monde rend la gouvernance d’entreprise difficile ; ce n’est pas nouveau non plus.
Ce qui me parait nouveau, c’est que l’absence de visibilité et de repères lié à la brutalité des évènements sociaux, écologiques et économiques, et l’émergence d’un numérique qui bouleverse les métiers (entre autres), ne confère plus à ces instances le sentiment de maitriser le futur et de pouvoir fonctionner comme des tours de contrôle.
Une gouvernance fondée sur la robustesse ou sur le contrôle ?
Olivier Hamant, dans La Troisième Voie, nous invite à repenser notre manière de structurer les organisations face aux défis du monde moderne. Il explique que les systèmes vivants les plus résilients ne sont pas ceux qui contrôlent tout, mais ceux qui savent s’adapter grâce à une certaine marge d’imprécision et d’ouverture.
Dans cette logique, un CoDir ou un CoMex qui cherche à verrouiller toutes les décisions en contrôlant à outrance ses process est moins robuste qu’un collectif qui laisse place à l’incertitude et à l’expérimentation.
« La robustesse ne se construit pas sur la prédiction et le contrôle, mais sur la capacité à naviguer dans l’incertain en cultivant la diversité des approches. »
— Olivier Hamant
Appliqué aux CoDir, cela signifie que la richesse d’une gouvernance exécutive ne repose pas sur la verticalité des décisions, mais sur la capacité des dirigeants à favoriser un cadre où l’intelligence collective peut émerger.
Dans ce monde fluctuant, plusieurs mutations profondes transforment les attentes vis-à-vis des Comités de Direction et Exécutifs :
- Passer de la maîtrise à l’adaptabilité
- Les CoDir doivent se concevoir comme des organismes vivants, capables d’apprendre et d’évoluer, plutôt que comme des bastions de décisions gravées dans le marbre.
- Cela passe par une meilleure écoute des signaux faibles, y compris ceux venant des niveaux opérationnels.
- Réhabiliter la confiance et la transparence
- La dynamique de contrôle et de micro-management dans les CoDir empêche la prise d’initiative et le partage d’informations critiques.
- Or, comme le dit Will Schutz, « plus une équipe s’ouvre à la vérité, plus elle devient performante ».
- Intégrer la diversité et la contradiction
- Trop souvent, les CoDir restent homogènes dans leur manière de penser et fonctionnent en pensée unique.
- Or, la robustesse, selon Olivier Hamant, vient de la capacité d’un système à intégrer des perspectives variées.
- Un bon CoDir ne doit pas chercher le consensus mou, mais cultiver des tensions créatives qui permettent l’innovation.
- Privilégier l’expérimentation à la prévision
- Plutôt que d’imaginer que tout est planifiable, les CoDir doivent adopter une approche plus agile, plus itérative, où les décisions stratégiques sont testées, ajustées et coconstruites en fonction du terrain.
L’évolution des CoDir et CoMex passe aussi par un changement de posture des dirigeants. Le leader de demain n’est plus celui qui sait tout et tranche seul, mais celui qui facilite l’émergence de l’intelligence collective.
Will Schutz nous rappelle que l’efficacité d’une équipe dépend avant tout de la relation à soi de ses membres : « Les conflits dans une équipe ne sont que le reflet des conflits internes de chacun. Travailler sur soi, c’est déjà améliorer la performance collective. »
Un dirigeant qui ne travaille pas sur lui-même, qui refuse d’exposer ses propres vulnérabilités, alimente une culture du masque et de la défiance au sein du CoDir. À l’inverse, un comité exécutif qui favorise un espace de confiance où chacun peut être pleinement lui-même devient un véritable levier de transformation collective.
Si les CoDir et CoMex veulent rester pertinents à l’ère du monde fluctuant, ils doivent abandonner l’illusion du contrôle absolu pour adopter une posture d’exploration, de co-construction et d’humilité.
« Le plus grand obstacle à la performance collective est la peur. Plus une équipe se libère de ses peurs, plus elle devient efficace. »
— Will Schutz
Les comités de direction ne doivent plus être des lieux de pouvoir où se jouent des stratégies personnelles, mais des espaces d’émergence où s’expérimente une nouvelle manière de décider ensemble.
Cela implique un véritable travail de fond sur la confiance, la transparence et l’acceptation du non-savoir, trois piliers qui permettent aux organisations d’être non seulement performantes, mais aussi vivantes et résilientes.
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