Progresser comme facilitateur

Quelle est la différence entre un bon et un mauvais facilitateur ? Je pourrais vous faire une réponse à la manière des Inconnus (pour ceux qui ont la référence !). Mais je vais choisir la sobriété et répondre : c’est ce que fait le facilitateur APRES son animation.

Cadrer la demande du commanditaire, concevoir son atelier, l’animer : ce sont souvent les étapes auxquelles on pense spontanément quand on parle de facilitation. Mais on oublie bien souvent l’après. Ce moment magique où on va debriefer et passer en revue le processus complet pour s’améliorer et ne pas s’endormir sur ses lauriers. « L’animation continue même après l’animation » comme disait un co-équipier !

Alors certes, ça demande d’avoir encore un peu d’énergie après son animation, mais sincèrement ça vaut le coup.

Passage en revue de quelques astuces testées par moi pour optimiser « l’après ».

 

Debriefer

Commençons par mon outil doudou. Découvert pendant ma formation initiale à la facilitation, je ne peux plus m’en passer. Cet outil formidable s’appelle : « plus / différent / idées ».

plus différents idées

Le principe est simple, après chaque intervention, je remplis ces 3 colonnes avec :

  • Ce que j’ai bien fait, ce dont je suis fière, ce qui a fonctionné, etc. : je relève ici les points marquants de mon intervention (et aussi de ma conception en amont !) qui ont rendu l’expérience fluide pour les participants et l’expérience agréable pour moi.
  • Ce que j’aimerais faire différemment pour être plus efficace : je liste ici les moments où j’ai senti de l’inconfort, où j’ai vu les participants en difficulté et je réfléchis à la façon dont je pourrais faire autrement une prochaine fois.
  • Les idées d’animation que j’ai envie de tester sur une prochaine intervention : des idées « niveau 2 » que je n’osais pas tester avant, des envies d’apporter du sang neuf (icebreaker par exemple), des questions que je me pose aussi…

Ce temps de debrief avec moi-même est extrêmement bénéfique ! D’une part il me permet de nourrir ma confiance en moi grâce à la colonne « Plus », d’autre part il me force à prendre un temps de recul pour ne pas me reposer sur mes acquis : aller creuser les points que je peux améliorer (« Différents ») et aller chercher de nouveaux challenges (« Idées »).

Remplir ce tableau est devenu un réflexe. Je le fais pour tout type d’intervention et il m’apporte à chaque fois de nombreuses pistes de réflexion pour la suite.

 

Adopter une posture méta

Avec l’expérience, je me rends compte que l’outil «  plus / différent / idées » m’a aidé à faire émerger une position méta. En m’habituant à ce debrief systématique, j’ai aiguisé mon sens critique et ce réflexe de me regarder animer. Lors de mes interventions, c’est un peu comme si j’analysais en temps réel ce qu’il se passe et que je préparais déjà le coup d’après. Il faut reconnaître que c’est parfois fatiguant d’être ici et là-bas en même temps… mais là aussi ça vaut le coup. Je suis convaincue que cela nourrit en temps réel mon intervention.

La posture méta, je l’adopte aussi malgré moi quand j’ai l’occasion d’être participante d’un atelier. En plus de contribuer dans le groupe, je ne peux pas m’empêcher de chausser mes lunettes méta et d’analyser ce que je suis en train de vivre : « Génial cette métaphore ! », « Pour atteindre cet objectif, je n’aurais pas conçu mon atelier de cette façon », « J’adore cette façon qu’a l’animateur d’aller faire accoucher ce participant », etc. Et ainsi je nourris ma besace de debriefs 😊

 

Progresser grâce à ses pairs

Cela m’amène au point suivant : pour progresser, rien de mieux que de partager avec ses pairs.

J’ai noté deux occasions de créer ces échanges :

  • En co-animant des ateliers, des formations : je suis alors en mode éponge géante et je pioche, je picore, je note, je copie toutes les idées et bonnes pratiques que je vois chez mon co-animateur et que j’aimerais tester. C’est là qu’on réalise que pour un même déroulé pédagogique, il y a mille façons d’animer. Le fameux style du facilitateur ! (et son expérience aussi bien sûr).
  • En échangeant entre pairs : quand j’ai vécu des difficultés dans un groupe, je me tourne vers la communauté de facilitateurs Développer les talents qui a généralement une batterie de bonnes idées pour m’aider. Cela me permet de prendre du recul sur ce que j’ai vécu, d’être moins dans l’affect, et d’analyser avec hauteur les raisons de mon inconfort. Cela m’a nourrie à chaque fois !

 

S’adapter encore et toujours & accepter son style

Chaque individu est différent, chaque groupe est différent, chaque facilitateur est différent, chaque expérience sera donc différente. C’est pourquoi il est vain de tout vouloir prévoir en amont. Le Jour J nous cueillera toujours avec ses météos du jour et ses imprévus.

Alors que fait le bon facilitateur ? Il s’adapte. Il analyse, réagit, ajuste en temps réel. Que ce soit le timing qui dérape ou un participant qui monopolise la parole, il y aura toujours de quoi faire.

Puisqu’on parle ici de l’après-animation, je dirais que l’adaptation en temps réel est facilitée par l’expérience certes, mais aussi par ces temps de debrief et de questionnement entre pairs qui permettent d’aller piocher dans une plus grande palette d’astuces le Jour J.

Et le style du facilitateur là-dedans ? Dans un échange entre pairs, on accueille de nombreux retours d’expériences et conseils. Seulement, ce qui a fonctionné pour l’un ne fonctionnera peut-être pas pour l’autre. Alors osons piocher ce qui nous parle, ce qu’on se sent capable de tester, osons oser mais à notre rythme, avec notre style, avec notre bagage. Pour sortir de sa zone de confort et progresser, mais sans se brûler les ailes.

 

Continuer de se former

Après ma formation de facilitatrice et mes premières expériences, j’ai eu envie d’aller explorer une nouvelle méthode : le co-développement.

Mes premières missions de co-développement m’ont permis d’aborder ma position de facilitatrice dans un cadre très différent d’un atelier classique, puisqu’on suit ici une méthode très structurée. Entre les ateliers que je conçois sur mesure et cette méthode très formelle, j’ai dû ajuster ma posture et mon style de facilitatrice. J’ai tâtonné, j’ai peaufiné, j’ai demandé l’avis de mes pairs et je me sens progresser peu à peu sur cette méthode. Mais aussi sur mon rôle de facilitatrice en général : ce que j’apprends avec le codéveloppement me servira ailleurs et m’aidera à appréhender des situations de plus en plus variées.

Autrement dit, se former à de nouvelles méthodes de facilitation ou à de nouveaux outils (Process Com par exemple) ne peut qu’enrichir son expérience et sa posture de facilitateur.

 

En conclusion

M’engager dans une démarche de progrès continu, c’est l’un des engagements que j’ai écrits dans ma charte du facilitateur personnelle. Cet engagement me paraît indispensable pour ne pas m’endormir sur mes lauriers, pour continuer de me challenger et in fine pour booster ma confiance en moi !

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