Introduction
C’est l’histoire d’une formation qui transssssforme ! Pour certains rôles, il ne suffit pas de connaître son texte, le scénario, les techniques de diction et de gestuelle. Disons que cela suffit pour occuper la scène, mais pas nécessairement pour émouvoir le public. Il en va de même pour le facilitateur de dynamiques collectives pour qui il ne s’agit pas (nécessairement) d’émouvoir, mais d’aider le « public », ici le collectif, à se mouvoir… A se mobiliser, à contribuer, à produire ensemble l’émergence de ses eurêka. Ces eurêka sont bien souvent supérieurs à la somme des solutions individuelles et particulièrement porteurs de l’engagement du collectif.
Cela fait déjà plusieurs années que j’interviens en entreprise en tant que facilitateur en intelligence collective. Je connais bien les étapes de cette intervention. Cadrage, conception, animation, debriefing. Pourtant, quand je prends connaissance de la formation sur 11 jours « facilitateur de dynamiques collectives » avec à la clé une certification… je me dis : et pourquoi pas ? Réviser les bases, mettre à jour mes connaissances, assouplir et étendre mon savoir faire, confronter ma pratique, en découvrir d’autres, satisfaire le processus de l’amélioration constante de ma pratique, etc. Et pourquoi pas rencontrer de nouveaux pairs ? Et pourquoi pas une cer-ti-fi-ca-tion !
De cette histoire je partage ici une des belles surprises de cette formation, car je crois bien pouvoir dire que, tous nivaux d’expérience confondus, facilitateur débutant, aguerri ou expert, nous vivons encore plusieurs semaines après notre certification, les effets dynamisants de cette (trans)formation.
Transformation par la rencontre et la coopération
A la première heure du premier jour de formation, nous sommes immergés dans la pratique avec comme support pédagogique… nous-mêmes les apprenants ! D’entrée de jeu nous nous retrouvons sur la voie royale de la facilitation : trouver une certaine qualité et agilité dans la relation à soi, à l’autre, au groupe, dans l’ici présent. Certes, dans tous les métiers d’accompagnement, la qualité de la relation est primordiale, avec des spécificités pour chacun. En voici quelques-unes qui de mon point de vue illustrent certains aspects de la posture du facilitateur en vue de garantir le cadre et le pilotage du processus de la facilitation :
Exemples de lieux d’observation de la posture | Exemples de moyens d’agir sur sa posture | Exemples d’impacts visés |
Interne observation tournée vers soi | Ressenti et regard intérieurs : émotions, état mental, niveau du moral, tonus physique, impression, intuition. Centrage par la respiration. Observation, écoute et réflexivité : de ce qui se dit, se fait, où en est-on de la facilitation, de la dynamique du groupe, quels sont les prochains pas et l’attitude adaptée pour y aller, etc. Check et niveau de fluidité avec son co-facilitateur. | Se sentir à l’aise en soi et disponible au groupe. Poser sa légitimité et induire la sécurité, la confiance et l’engagement. Gérer son énergie. Être à 100 % avec son binôme co-facilitateur. Nourir une qualité de présence. Se comporter de façon exemplaire et modélisant. |
Externe observation tournée vers le groupe | L’écoute et l’observation. L’écoute et l’observation. L’écoute et l’observation. Le regard, le comportement physique, le port et l’intonation de la voix. La clarté et la fluidité dans l’expression de la présentation, des consignes, des transitions, des feed-backs, des méta-communications, des recadrages. Jonglage entre la posture haute et la posture basse. L’enthousiasme et le jeu de scène. | Tenir le cadre. Piloter le processus. Établir le réseau de ponts et de tunnels coopératifs entre facilitateur et groupe, entre les membres du groupe, entre le groupe et l’institution/le commanditaire. Dynamiser le groupe vers l’atteinte des objectifs et lui offrir les conditions du vécu des intentions. Déclencher des dialogues et des discussions de qualité entre les membres du groupes, l’aider dans sa maturité et son autonomie. Prendre soin de la récolte et des engagements. |
Spatial observation de l’occupation du lieu | La façon d’habiter le lieu. Les déplacements dans la salle. La distance, le contact, l’effacement vis-à-vis du groupe. Les invitations faites au groupe pour occuper la salle, se placer ici ou là. Au bon moment au bon endroit. | Donner aux corps la place et la liberté des rythmes pour respirer, entrer en mouvement, s’approprier, inter-agir, éprouver, produire, se poser, incarner et exprimer. En bref, travailler et vivre sur le cheminement de la question centrale. Faire en sorte que le matériel nécessaire soit disponible « comme par magie ». |
Meta observation de ce qui « se passe » | Que se passe-t-il dans ce qu’il est en train de se passer ? Combien de fois cela fait-il que le groupe revient au même point dans sa discussion ? En quoi ce moment, cette situation, ce que j’observe du groupe, me sollicite en tant que facilitateur ? | Aider le groupe à se voir dans sa situation. Proposer une alternative à une situation du groupe qui tourne en une boucle ? Rester vigilant en tant que facilitateur à sa neutralité sur le contenu produit par le groupe. |
Donc, dans cette formation, les cobayes, c’est nous ! Plus exactement nous sommes à la fois cobayes, laboratoires et laborantins. En effet, la proposition pédagogique est de vivre les apprentissages au travers de la relation entre les apprenants. En tant que personnes, en tant que professionnels, en tant que facilitateurs, en tant que co-facilitateurs, en tant que commanditaire, en tant que groupe facilité dans les ateliers de pratique, entre pairs dans nos feed-backs, et même en tant qu’intervenant auprès d’un vrai client… (voir le chapitre plus bas « Transformation par l’expérience en situation réelle »). Garanti qu’avec cette gymnastique incessante entre nos différents rôles, postures, fonctions, il y a de quoi assouplir, diversifier et muscler nos capacités de rencontre et de coopération dans toutes les dimensions. En général, cela produit des bonnes journées de formation et les soirées sont bienvenues pour laisser faire la métabolisation 😉
Transformation par l’incorporation des concepts
Entendu que certains concepts me sont déjà familiers, tels que objectifs et intentions de l’intervention de facilitation, question centrale, postures du facilitateur, méthodes de facilitation, consignes, rythmes (intervention, atelier, séquence, timing, etc), divergence, émergence, convergence, récoltes, feed-backs, itérations, etc. La revisite de ces concepts est rafraîchissante et de nouvelles façons de les mettre en œuvre redessinent des perspectives d’intervention. Dans cette formation certifiante de 11 jours sur 4 mois, l’approfondissement, et aussi de nouveaux concepts, ont suscité en moi la nécessité et l’envie d’élargir mes champs de connaissance et d’attention au groupe facilité. Notamment aux sujets des formes de gouvernance et des processus de décisions, des comportements en groupe, des stades de l’évolution d’un collectif, de la sociodynamique des acteurs, de l’approche systémique. Avec des moyens simples pour les évaluer et interagir concrètement auprès du groupe.
Là encore, l’exploration de ces concepts est proposée de façon collective et ouverte à la discussion, au dialogue. Nous co-construisons les compréhensions et les sens qui s’en dégagent. Et puis nous expérimentons et nous appliquons à nous-mêmes les moyens d’évaluer et d’inter-agir ! Il en ressort une variété des repères et une culture, voire un appétit pour la richesse des différences. Qui plus est, les formateurs, oui, parlons-en un peu quand même 😉 les formateurs sont, dans leurs postures de facilitateurs. Ce qui nous donne à vivre la pédagogie par la facilitation et à observer et profiter très directement du « quoi » et du « comment » faire de la facilitation. Des formateurs facilitateurs très modélisants, merci encore à eux.
De mon point de vue, incorporer un concept : c’est le vivre dans son corps, l’éprouver dans les relations et apprendre à le sentir dans le corps du groupe. Ce qui peut provoquer de l’incertitude, des doutes, de l’inconfort, bref, de la « groan zone » assurément ! La zone dans laquelle on grogne et dans laquelle on grandit… Et de constater que, jour après jour, exercice après exercice, essai-erreur après essai-erreur, semaine après semaine, notre perception et notre compréhension changent, jusqu’à savourer des « mais oui mais c’est bien sûr ! » des « c’est bon ça » et des envies pétillantes de passer à la mise en œuvre.
Transformation par l’expérience en situation réelle
Comme dit l’autre : le truc de fou ! J’évoque plus haut que nous sommes nous-mêmes, apprenants, le support d’apprentissage dans cette formation. C’est au travers des expérimentations des concepts, des moyens et des méthodes sur notre groupe d’apprenants, de nos observations et de nos feed-backs, que nous désapprenons le nécessaire et apprenons davantage le rôle à la fois subtile et très concret du facilitateur de dynamiques collectives. En termes d’intensité et de confrontation, l’approche expérientielle de cette formation offre de vrais cadeaux pédagogiques : le trac du débutant, le droit de se tromper, la possibilité de rectifier, l’accès à la vision et aux talents des autres, l’appropriation de ce qui fonctionne pour soi, les leçons tirées des couacs et la célébration des réussites. Une chose qui me touche particulièrement, c’est la rapidité, l’authenticité et la profondeur avec lesquelles la cohésion de notre groupe d’apprenants prend corps et s’engage dans l’action concrète. C’est déjà une situation belle et bien réelle pour expérimenter les leviers et les méthodes de facilitation abordés pendant ces 4 mois.
[spoiler alert]
Il se trouve que le truc de ouf… c’est le jour où les formateurs nous annoncent : « vous allez chacun trouver un groupe, avec une situation et une demande réelle, et lui proposer votre intervention de facilitation ». Oh ooh, comment ça trouver un groupe et lui proposer d’intervenir ? Vous voulez dire, lui proposer notre intervention pour de vrai ? « Oui c’est ça. Du cadrage de la demande à la récolte des objectifs, en passant par la conception et l’animation de l’intervention 🙂 ». Ah, mais alors, donc donc donc, libérer notre esprit, bien bien bien, li-bé-rons-notre-es-prit… Je ne vous dis pas à quel point ce jour-là le terme de formaction prend un sens et une consistance… hmm… consistante ! A partir de là, il me faudrait plusieurs articles pour tout raconter. Alors je fais bref : quelle énergie, quelle engagement, et surtout quelles surprises, de constater que notre dynamique collective de co-facilitateurs s’enclenche et produit le travail utile à la mise en œuvre… presque comme par magie. Presque, parce que il faut quand même trouver, assembler et animer les ingrédients, mais la recette fonctionne ! Et que dire de la richesse et de la pérennité des apprentissages « in real life » ? Le gâteau sur la cerise de cette formation c’est donc la rencontre avec un (vrai) commanditaire et une (vraie) situation de choix : le manager d’une équipe d’une trentaine de personnes, dans une très grand entreprise, en quête d’un accompagnement pour aider son équipe à prendre en main de nouvelles méthodes de travail coopératif. Et ça c’est très fort pour la mobilisation de l’intelligence collective de notre équipe de co-facilitateurs !
[/spoiler alert]
Je n’écris pas la suite dans un prochain numéro, mais elle s’intitule : « Ou comment forger en devenant forgeron ! ». En résumé, cette situation réelle-là, intervenir auprès d’un client réel, nous permet de constater pendant plusieurs semaines, la solidité la souplesse et l’efficience de notre groupe de co-facilitateurs, des méthodes d’analyse, de conception et d’intervention, et aussi des effets de sécurisation, d’alliance et d’engagement produits auprès de notre client. Une formation, que dis-je, une Aventure dont tout le monde ressort grandi et enrichi durablement par l’expérience vécue ensemble.
Conclusion
Quelque chose qui donne envie d’aller plus loin ? Susciter le dialogue ? Les prochaines dates de la formation « Facilitateur de dynamiques collectives » ?
Après cette (trans)formation je me rends compte que je suis beaucoup plus à l’aise avec moi-même et la complexité des relations dans le cadre de la facilitation, et ça c’est bon. L’autre face de cette même pièce, c’est la rencontre savoureuse et structurante avec de nouveaux pairs, avec qui nous savons ensemble comment et à quel point nous pouvons compter les uns sur les autres. Nous sommes tous heureux à l’idée d’intervenir à nouveau ensemble, à n’en pas douter d’ici peu !
Il y a aussi l’éprouvé, que la démarche de facilitation, ces méthodes, ces outils : ça marche ! Ainsi qu’en matière d’assurance et de satisfaction, en tant qu’accompagnant, de connaître plus précisément, plus habilement, les leviers opérationnels et les limites d’efficacité de notre intervention pour apporter une aide réelle au groupe, dans sa production et dans son vécu – objectif et intention – en accord avec la demande du commanditaire et les talents du groupe.
Vous le comprenez bien je crois, mon envie est de partager mon expérience ET que cette formation profite de près ou de loin à tous ceux qui misent (aussi et entre autres) sur l’intelligence et les dynamiques collectives. Alors quelle qu’en soit la suite pour vous, je vous souhaite de belles rencontres coopérantes et des expériences transformantes !
Pour en savoir plus sur cette expérience transformante : franck.sinimale@developperlestalents.fr
Dialoguer avec des facilitateurs : https://www.linkedin.com/company/developper-les-talents/
Prochaines dates de formation : https://www.developperlestalents.fr/#formations